Un espace, trois jardins

A l’origine, une ferme ancienne désaffectée, toute proche du château et de son parc : une maison de métayer, une grange, des communs. Sur la commande précise du propriétaire et maître d’ouvrage, l’architecte mandaté (atelier JUGUET), conçoit le projet de réhabilitation et de transformation de l’ensemble en équipement touristique et de loisirs haut de gamme : une grande salle d’activités, un restaurant, des gites.

Les abords, en friches, sont divers et complexes : au Sud, un vallon très profond (aboutissement d’un ancien chemin creux). A l’Ouest, les vestiges d’un ancien verger (où subsistent quelques fruitiers) bordé en limite de parcelle par le chemin vicinal qui conduit à la ville. La limite est plantée d’une vénérable haie de très grands conifères.

Ma proposition au maître d’ouvrage se base alors sur la nature et les fonctions très spécialisées de chaque bâtiments, en cours de réhabilitation à l’époque. Trois jardins seront donc proposés, de conception, forme et usage très différents : un jardin sec, un jardin de thé, un jardin promenade.

L’ampleur exceptionnelle du projet, la superficie du terrain concerné, la complexité des accès et circulations, pour le temps du chantier comme à terme, nécessitent des investigations et moyens conséquents : terrassements, volume et diversité de matériaux, entreprises spécialisées … De nombreux et fructueux échanges avec le Maître d’ouvrage seront nécessaires, qui garantiront la cohérence et la faisabilité de l’ensemble du projet.

Le bâtiment central (la grande salle aménagée dans l’ancienne grange) accueille des activités diverses; entre autres, des cours et sessions de yoga et de méditation. Je propose donc en cohérence, un jardin sec « karesansui », en m’inspirant des principes des jardins de monastères du Japon. Il fait face à la longue terrasse extérieure, en prolongement de la salle.

Pour ce jardin sec, si certains des principes essentiels des jardins traditionnels de monastères sont respectés (clôture, paysage emprunté « shakkei », gravier, rochers et mousses en « îles », …), mon projet propose quelques originalités formelles, notamment pour s’adapter au lieu (nous ne sommes pas au Japon) comme à la clientèle et aux activités très diverses qui sont attendues.

A proximité, et tout autour de la salle de restauration, attenante à la grande salle, est proposé en vision panoramique par delà les grandes baies vitrées coulissantes, un grand jardin ombragé et vert s’inspirant principalement des jardins de thé.

Motif majeur de ce jardin de thé : le « pas japonais » (tobi ishi). Il suit un tracé très élaboré et précis, permettant l’accès depuis les gites à l’arrière, et dirigeant le promeneur vers les points d’intérêts principaux du jardin : une vue privilégiée sur la grande cascade et le torrent au creux du vallon, une promenade vers le bois qui surplombe l’ensemble du site, le petit bassin rituel pour les cérémonies du thé (tsukubaï).

Le troisième « jardin » occupe la totalité des deux vallons qui se croisent en contrebas du jardin de thé, et en accès direct depuis les gites. Ancien chemin creux donnant accès autrefois à la métairie et aux communs du château, il est comblé dans sa partie supérieure pour des raisons de sécurité, en permettant ainsi l’aménagement de la cascade, alimentée à terme par le puits, à proximité immédiate.

Le parcours d’eau constitue l’élément principal des vallons. Au point le plus haut, est construite une grande cascade qui alimente le torrent jusqu’au point le plus bas, où s’étale un « étang », bordé d’un enrochement de gros rochers. Extraites d’une carrière à proximité, de nombreux rochers, gigantesques, ont été nécessaires à la mise en place de cette cascade, des rives du torrent et de l’étang qu’elle alimente.